Philippe, connaissait bien le plaisir que Dieu prend à la pureté du
cœur, dès qu’il eut atteint l’âge de raison et eut acquis le pouvoir de
distinguer entre le bien et le mal, se mit à faire la guerre sans répit aux
pièges et aux suggestions de l’ennemi, jusqu’à ce qu’il eût obtenu la
victoire. Ainsi, tout en vivant dans le monde au temps de sa jeunesse
et tout en fréquentant toutes sortes de personnes, il garda intacte sa
virginité pendant ces années dangereuses de sa vie.
On n’entendit jamais sur ses lèvres aucune parole qui pût offenser
la pudeur la plus exigeante et, dans son habillement, dans son
maintien et sur son visage, il faisait preuve de la même belle vertu.
Un jour, alors qu’il était encore laïc, des personnes dissolues eurent
l’impudence de l’inciter à commettre le péché. Quand il vit qu’il lui
était impossible de prendre la fuite, il se mit à leur parler de la laideur
du péché et de la présence redoutable de Dieu. Il le fit dans un état de
détresse si évident, et avec un tel sérieux et une telle ferveur, que ses
paroles pénétrèrent leur cœur comme un glaive, et eurent pour effet
non seulement de les convaincre de renoncer à leur dessein hideux,
mais même de les remettre dans le bon chemin.
Une autre fois, quelques individus mal intentionnés, habitués à
penser que les autres leur ressemblent, trouvèrent un prétexte pour
l’inviter chez eux, persuadés qu’il n’était pas celui que le monde voyait
en lui. Et, s’étant emparés de lui, le soumirent à une grande ten tation.
Philippe, aux abois, trouvant les portes fermées à clé, se mit à genoux
et commença à prier Dieu avec une ferveur si étonnante et une
éloquence si céleste et sincère, que les deux pauvres créatures qui se
trouvaient dans la pièce avec lui n’osèrent pas lui adresser la parole, et
finirent par le laisser en paix et par lui trouver un moyen d’évasion.
Sa pureté virginale rayonnait sur son visage. Son regard était si
limpide et si lumineux, même dans les dernières années de sa vie,
qu’aucun peintre ne réussit jamais à l’exprimer ; et il n’était pas facile
à qui que ce fût de regarder Philippe pendant quelques temps,
tellement il vous éblouissait, comme l’aurait fait un Ange du Paradis.
Qui plus est, de son corps, même devenu vieux, émanait une odeur
suave. Celle-ci, même dans la décrépitude de sa vieillesse,
rafraîchissait ceux qui s’approchaient de lui ; et beaucoup disaient
qu’ils se sentaient envahis par sa dévotion grâce à la simple odeur de
ses mains.Quant au vice opposé, sa mauvaise odeur n’était pas, pour le saint,
une simple figure de rhétorique, mais une réalité, si bien qu’il pouvait
distinguer ceux dont l’âme en était noircie ; et il disait que cette odeur
était si horrible que rien au monde ne pouvait lui être comparé sauf le
Malin lui-même. Il disait parfois, avant même que ses pénitents ne
commencent leur confession : « Ô mon fils, je connais déjà tes
péchés. »
Beaucoup avouèrent que la simple imposition de ses mains sur leur
tête les délivra tout de suite de leurs tentations. La simple mention de
son nom avait le pouvoir de protéger contre Satan ceux qui étaient
visés par ses dards enflammés.
Il exhortait les hommes à ne jamais se fier à eux-mêmes, quelle
que fût l’expérience qu’ils pouvaient avoir d’eux-mêmes et quel que fût
le temps pendant le lequel ils étaient restés vertueux.
Il disait que l’humilité était la vraie sauvegarde de la chasteté ; et
que manquer de compassion pour quelqu’un d’autre à cet égard
présageait une chute rapide dans notre propre cas ; et qu’il considérait
comme déjà perdu un homme qui était porté à censurer autrui, et qui
était sûr de lui-même, et sans crainte.
Prière
Philippe, glorieux Patron de notre aumônerie, qui ne laissa jamais
souiller le lis blanc de ta pureté, et qui en pris un tel soin que la
majesté de cette belle vertu brillait sur ton visage, rayonnait dans tes
mains et parfumait ton haleine, obtiens-nous ce don de l’Esprit saint,
pour que ni les paroles ni l’exemple d’hommes pécheurs ne puissent
jamais faire la moindre impression sur notre âme. Et puisque c’est en
évitant les occasions de péché et l’oisiveté, et par la prière et le
recours fréquent aux sacrements, que notre ennemi tant redouté doit
être vaincu, obtiens-nous la grâce de persévérer dans ces observances
si nécessaires.