Deux rencontres ont été menées pour discuter autour des questions bioéthiques dans le cadre des états généraux de la bioéthique (EGB) qui ont lieu en ce moment à Paris.
Le 20 février, nous avons co-organisé avec les aumôneries de Dauphine, Nanterre, Les Grands Moulins et Assas-Pharmacie une rencontre avec Tugdual Derville sur les enjeux des Etats Généraux de la Bioéthique. 250 jeunes étaient présents! Vous pouvez nous demander l’audio, qui ne sera pas mis en ligne, ou consulter le compte-rendu d’Ombeline (en fin d’article)
Par la suite, l’aumônerie a invité Loup Besmond, journaliste à La Croix, pour qu’il nous parle du lien entre les médias et la bioéthique, et plus précisément de la manière dont il travaille des sujets complexes et délicats, avec toutes les contraintes que comporte le métier de journaliste dans un quotidien, en l’occurrence La Croix.
L’ enregistrement de cette conférence est disponible ici :
Compte-rendu de la conférence sur les enjeux des états généraux de la bioéthique par Tugdual Derville
Ce compte-rendu n’est pas exhaustif mais insiste sur les pistes de réflexion lancées par Tugdual Derville (TD) lors de cette conférence.
. Il nous parle tout d’abord de son parcours ABO et de la joie profonde des personnes qu’il rencontre et qui donne un sens à l’Homme ainsi que la force qu’elles puisent dans la faiblesse et la souffrance.
. TD élargit la bioéthique à l’écologie en mettant en avant l’impact des actes de l’Homme sur les générations futures et ainsi l’importance de préserver la planète.
. Pour comprendre les enjeux des états généraux, il définit quelques mots :
Morale : pas de débat car c’est inné et acquis pour chacun
Ethique : implique une tension, un débat, un doute et permet de dissoudre la morale
Déontologie : la question est réglée, tranchée
. Les états généraux concernent plusieurs sujets qu’il développera plus ou moins pendant la conférence :
- Big data (grosse base de données) : fait appel aux questions du totalitarisme et de l’absolutisme technologique : comment préserver sa vie privée et ses données médicales ?
- Intelligence artificielle : qui fait appel à de nouvelles questions : qui est l’Homme ? qu’est-ce que la vie ?
- Début et fin de vie : Avant tout, respecter la vie et le plus fragile, sa dignité. Il y a des dérives s’il existe une remise en cause des sujets essentiels de la vie, des repères fondamentaux, comme la protection de l’enfant. Un des problèmes majeurs de la PMA et de la GPA est la surproduction d’embryons (quand beaucoup d’enfants dans le monde attendent d’être adoptés et d’avoir une famille afin de réparer une souffrance). Ce qui implique que des embryons créés sont éliminés, donc eugénisme, car tri avant la naissance
.Il n’y avait pas eu d’états généraux de la bioéthique(EGB) pour l’autorisation de recherche sur l’embryon et le sexe autre. Pourtant maintenant, avant chaque révision de loi de bioéthique, il y a des EGB, ce qui crée des débats nationaux sur tous les cas particuliers qui peuvent exister donc attention à ne pas faire de généralités sur des minorités de cas extrêmes. Plutôt privilégier une plus grande tolérance et une meilleure considération/ouverture vis-à-vis des différences.
. Pour les EGB, ce sont les politiques qui ont le dernier mot donc il faut essayer de les influencer, quelle que soit notre position, en mettant d’abord en avant les points d’accord et en dirigeant ensuite le débat vers l’opinion qu’on souhaite développer en argumentant.
.PMA : au départ, pour les couples stables, homme et femme, en cas d’infertilité médicale. (Il y a principalement des enfants biologiques des deux parents plus que venant de donneurs.) Mais il existe de nombreux échecs donc c’est un parcours long et délicat. Le vrai sujet ne serait-il pas de connaitre et traiter les causes de l’infertilité plutôt que les conséquences ?
La question serait maintenant de l’étendre aux couples de femmes ou aux mères célibataires. Ceci implique donc plusieurs questions :
- on étendrait donc la GPA aux couples homosexuels pour réduire une inégalité homme/femme ?
- congélation ovocytaire pour pallier une « discrimination du cycle ovarien » par rapport à l’homme qui peut être fécond tout au long de sa vie (pour certaines féministes, ceci est dû à la domination de l’homme, mais ne serait-ce pas plutôt une complémentarité ?)
- attention à la marchandisation du corps de la femme ; ce qui est un risque en absence de problèmes médicaux
- on ramènerait la paternité à des gamètes ?
- sperme congelé du compagnon décédé utilisé pour avoir un enfant de lui ? cela impliquerait-il un enfermement et une absence de deuil ?
- l’offre créera la demande, donc aussi un acharnement (car beaucoup de tentatives avec des échecs) ?
- et l’enfant ? ses antécédents génétiques et familiaux du donneur lui seraient inconnus car anonymat (discuté pour le lever, mais y aurait-il encore des donneurs ?) ; aux USA, des enfants adoptés peuvent être « rendus » s’il y a un « problème » (une insatisfaction des parents)
- On comprend le désir d’enfants, mais jusqu’où faut-il aller pour le satisfaire ?
- Choisir le sexe de son enfant ? (implique une sélection)
- Pour l’IMG : création d’une société de parfaits ? (dans laquelle personne n’aurait sa place.)
- Idéologie de l’IVG au planning familial : présentée comme n’étant pas un drame.
. Génomique et embryon : technique en développement : CRISPR-cas 9 : ciseaux génétiques permettant de guérir des maladies par « copier-coller » génétique mais limites :
- Chine : technique sur embryons viables, donc bébé OGM ?
- Réparation/soins différent d’une augmentation de l’être-humain (donc transhumanisme ?)
Possibilité d’avoir des enfants avec trois parents génétiques : FIV avec membrane mitochondriale et noyau de l’ovocyte différents.
Fascination malsaine des nouvelles techniques. Volonté de toujours progresser, aller plus loin mais jusqu’où ? Et est-ce vraiment nécessaire ? Est-ce vraiment la priorité ?
. Intelligence artificielle : le robot ne possèderait qu’une intelligence rationnelle ; or, l’être humain est composé d’intelligences rationnelle, émotionnelle, corporelle, spirituelle et pas uniquement rationnelle. TD nous a raconté que pendant le remplacement d’un évêque, l’évêque qui cédait sa place avait tenu un discours qui l’avait ému ; un jeune homme lui a donné un mouchoir et s’est jeté dans ses bras. Cet homme était trisomique. « Seul un trisomique aurait pu faire ce geste d’une grande intelligence » car ils ne se soucient pas du regard des autres et agissent avec sensibilité et attachement.
. Fin de vie : selon TD, la société ne serait pas prête pour l’euthanasie. La sédation est à utiliser avec parcimonie et prudence et faire attention à son automatisation.
L’euthanasie franchirait la limite du meurtre : ce ne serait plus interdit de tuer donc ceci impliquerait de nombreuses dérives qu’on constate dans d’autres pays.
Avec l’euthanasie, on passe d’une possibilité de se donner la mort au devoir de se la donner car la voisine l’a fait et elle était en meilleure santé que moi, car je risque d’être un poids pour la société… L’offre crée la demande. Et dès lors qu’une porte est ouverte, elle devient vite battante…
. Téléphones portables qui manipulent ? Ils enlèveraient notre humanité ?
. Il faut faire attention à ce que la souffrance n’anesthésie pas la conscience ; c’est souvent le cas dans les situations de souffrance extrême (affaire Chantal SEBIRE, Vincent HUMBERT ou, plus récemment, Anne BERT). Ainsi, selon TD, il y a toujours un mensonge à l’origine d’un meurtre.
. Que peut-on faire pour changer les choses ? Pour protéger l’homme contre lui-même?
=> Essayer d’avoir un mode de vie alternatif et pas forcément contre : trouver des oasis de vie (groupes de réflexions, échanges entre amis, groupes de partage et de prière…), des refuges anthropologiques, une vie dans la vérité. Assumer ses positions (et particulièrement, parler de son expérience vécue : cela aura plus d’impact) et savoir écouter les arguments et points de vue de chacun.
. Selon Benoit XVI, on n’a pas besoin de la foi pour atteindre la vérité profonde de l’humanité ; la foi donne juste le courage de le dire.
. La société perd ses repères, donc, besoin de paroles fortes ancrées. La vérité/ justice est différente des convictions et opinions.
. Interdépendance de l’humanité (le plus bel exemple d’interdépendance nous est donné par la nature), vulnérabilité pour relever le plus faible. Il faut témoigner de l’accueil, la bienveillance envers les plus fragiles pour libérer la parole des autres. Etre témoins de la vie.
. Regarder les signes de vie, du beau, du vrai. Le moindre petit acte de solidarité, d’humanité, d’amour envers le prochain, et spécialement envers les plus fragiles contribue à construire une société plus juste, plus fraternelle, plus aimante. Ainsi, ce ne sont ni les lois, ni le gouvernement qui fondent l’histoire d’un pays, mais bien les cœurs de chaque citoyen.
Et confiance ! Car par la Résurrection du Christ, la Vie a déjà gagné !!